Réponse à la pétition lancée en Guinée contre le Sénégal
La décision des autorités sénégalaises portant sur la fermeture de leurs frontières avec la Guinée Conakry suite à l’épidémie d’Ébola qui sévit dans ce pays ne cesse de susciter la polémique.
En Guinée, les autorités comme une bonne partie de leurs concitoyens, surprises et sidérées d’une telle mesure, ne s’arrêtent plus de la dénoncer.
Estimant que le Sénégal est un pays frontalier et frère, les guinéens jugent la posture de notre pays méprisante à leur égard.
Ces derniers jours, les vives réactions des autorités guinéennes et l’appel de leurs concitoyens à reconsidérer leurs relations avec le Sénégal semblent conduire cette tension latente en une crise certaine entre ces deux états aux peuples historiquement liés.
La confirmation de ce risque m’est apparue ce matin. En parcourant comme d’habitude les billets à la une sur Mondoblog, je suis tombé sur cet article de Dieretou : quand le torchon brûle entre Dakar et Conakry. Un article qui, naturellement, a captivé mon attention et dont je suis allé à la rencontre.
Je dois d’emblée saluer la qualité de ce texte tant par le talent dans sa rédaction que par la rigueur qui l’a accompagné.
Cependant, au cours de ma lecture, j’ai été profondément choqué et indigné d’avoir su qu’une pétition dénommée : « l’autorité guinéenne doit agir face à l’agitation du Sénégal. EBOLA : STOP À LA STIGMATISATION, PLACE À LA REPLIQUE » était lancée et adressée aux autorités guinéennes.
Les personnes à l’origine de cette pétition exigent « immédiatement » de leurs autorités les points suivants :
1. Arrêter toute coopération avec le Sénégal en rappelant notre ambassadeur au Sénégal et remercier l’ambassadeur du Sénégal en Guinée
2. Interdire l’exportation de nos produits agricoles vers le Sénégal
3. Maintenir la fermeture de nos frontières avec le Sénégal (terrestre, maritime et aérienne).
Le texte accompagnant cette requête et les commentaires qui s’en sont suivis, ont, à mon avis, non seulement manqué de sagesse mais aussi, ne sont pas en adéquation avec la réalité.
Ainsi, loin de vouloir entretenir la polémique naissante, j’estime devoir apporter quelques précisions.
Tout d’abord, en ce qui concerne le jeune guinéen, source du seul cas d’Ébola recensé au Sénégal, je tiens à dire, contrairement aux révélations parues dans le billet de Dieretou, qu’il est entré dans le pays à un moment où les frontières étaient fermées. Seules les frontières aériennes ont été temporairement rouvertes au moment où il entrait au Sénégal.
Donc quoiqu’on puisse dire, il était en infraction.
Quand même, il a été pris en charge et heureusement, a pu guérir de la maladie sans contaminer aucune personne.
Pourquoi au moment de le raccompagner chez lui, l’état guinéen n’a pas autorisé à l’avion affrété à l’occasion d’atterrir ? Il s’agissait pourtant d’un de leur fils. Sous aucun motif il ne devait agir de la sorte. J’estime même qu’il devait remercier le Sénégal d’avoir pris soin de leur compatriote.
Ensuite, pour ce qui est des produits agricoles dont les auteurs de la pétition considèrent comme impératifs à la survie de notre marché, j’aimerais tout simplement appeler à plus de pondération.
Certes le marché sénégalais peut être fortement affecté par l’arrêt de l’importation des produits agricoles guinéens mais, a-t-on évalué tout ce que cela représentera comme dommage pour l’économie guinéenne ? Surtout pour les agriculteurs qui peinent à écouler leurs produits.
Le président Alpha Condé dans une récente sortie, déclarait : « Ils nous ferment leurs frontières alors que c’est nous qui les nourrissons « . Ce type de propos, surtout lorsqu’il émane d’une personnalité de cette trempe, sont à dénoncer.
J’ai été stupéfié pas ses déclarations car, au delà du fait qu’elles ne sont pas du tout exactes, j’estime qu’il appartient surtout, aux autorités de veiller à ce que la concorde règne entre nos peuples.
Les individus lambda comme moi, peuvent se permettre certaines dérives mais une fois encore, une haute autorité comme le président Condé doit mesurer l’impact que ses propos peuvent produire.
Enfin, il est important, qu’entre « frères » comme on dit, qu’on se livre à un débat sincère.
Le problème majeur des guinéens ne réside pas dans le fait que les passagers de cette avion n’aient pas été permis de quitter l’avion durant leur escale à Dakar. Cela n’a été qu’un prétexte, qu’une occasion idéale pour manifester leur désaccord quant à la fermeture des frontières.
Mais une fois encore, soyons conséquents avec nous même. Il vit au Sénégal un nombre de guinéens qu’on estime en millions d’individus. Laisser ouvertes les frontières reviendrait inéluctablement à exposer le Sénégal à cette épidémie dont il n’existe pas de remèdes connus.
Alors, pourquoi en vouloir aux sénégalais pour une mesure tout à fait rationnelle ?
Je précise également que je suis en parfait désaccord avec l’interdiction faite aux passagers de cet avion de sortir de l’appareil. D’ailleurs, j’ai toujours été contre la fermeture des frontières aériennes car le contrôle en ces lieux est beaucoup moins compliqué et nous avons un devoir d’assistance et de soutien envers nos frères.
Je suis aussi contre toute forme de discrimination ou de stigmatisation des guinéens résidant sur le territoire sénégalais ou ailleurs.
Quand même, dans certaines situations, il faut savoir raison garder. Certains propos et actes ne seraient que néfastes pour les relations entre nos deux pays qui en réalité ne sont qu’un seul et même peuple.
Ces deux peuples partagent une histoire et des relations qui transcendent les divergences de quelques individus.
Je puis assurer que le sénégalais que je suis n’est nullement insensible à ce qui se passe en Guinée. Notre souhait le plus cher est que la Guinée vainque cette épidémie.
Il ne sert à rien de s’emporter. Le moment est plutôt à la lutte contre ce virus ravageur. Nous en sortirions tous vainqueurs.
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